La sprinteuse américaine Sha’Carri Richardson, star annoncée des Jeux olympiques de Paris, apprend toujours à canaliser sa fougue et ses émotions sur la piste, son refuge depuis une enfance difficile.
“Peu importe ce qu’il se passait dans ma vie, la piste restait un lieu où je pouvais être en paix”, avait raconté Sha’Carri Richardson en 2020 dans un documentaire de Park Stories, avant de devenir championne du monde du 100 m en août 2023 à Budapest, et de s’avancer en favori des JO. Née le 25 mars 2000 à Dallas (Texas), “Sha’Carri”, qui n’a jamais fait état de présence paternelle, est élevée par sa tante et sa grand-mère face aux carences de sa mère, qui abandonne ses deux filles. “Je me demandais ce qui n’allait pas avec moi. Si ma mère ne souhaitait pas être ici, je me disais que personne ne voulait être avec moi”, raconte la sprinteuse. Cette absence de lien avec ma mère biologique l’a tourmenté à l’adolescence et conduit vers l’obscurité. “J’ai fait une tentative de suicide lorsque j’étais au lycée, je me suis retrouvée le lendemain matin à l’hôpital pour un lavage gastrique.” Seul lieu où elle oublie sa tristesse, la piste d’athlétisme l’accueille depuis qu’elle a voulu imiter sa tante, dont les médailles de jeunesse traînent à la maison.
Photos : Team USA/Olkympics/Getty Images/IAAF/Nike/DR
Mature et immature
“C’était la plus petite, mais d’entrée la plus rapide. Elle voulait toujours être devant, prouver sa valeur, elle travaillait dur, menait toutes les séries d’entraînement”, a indiqué son entraîneuse au lycée Lauren Cross, devenue sa marraine. “Elle était déjà très sérieuse, concentrée. Elle travaillait d’autant plus dur qu’elle détestait perdre.” Ses prouesses mènent la jeune femme à l’Université de Louisiane puis en 2019 au groupe professionnel de l’ex-sprinter sulfureux Dennis Mitchell, impliqué dans plusieurs affaires de dopage, en Floride. En 2021, l’athlète aux ongles longs travaillés et aux perruques colorées flambées lors des sélections olympiques, mais est rattrapée par son passé. Elle apprend le décès de sa mère biologique une semaine avant les essais et la fumée du cannabis pour surmonter ce moment. De quoi déclencher un contrôle antidopage positif, une disqualification et une courte suspension qui la prive des Jeux de Tokyo. “Je ne suis pas cette fille qui a été suspendue, qui a fait polémique sur les réseaux sociaux. À chaque fois que je tapais mon nom pour regarder des vidéos ou des articles à mon sujet, ça me rendait triste, j’avais l’impression que ce n’était pas moi”, explique-t-elle sur son vlog. La sprinteuse américaine, qui touche alors le fond sportivement, apprend à s’ouvrir sur ses tourments personnels : “Depuis ma suspension, les gens voient mon côté humain, ma chair à vif“, dit-elle.
Photos : Team USA/Olkympics/Getty Images/IAAF/Nike/DR
Jeune fille noire de Dallas
Avec sa notoriété et son titre mondial conquis en 2023, la flamboyante jeune femme fait la fierté des banlieues sud de Dallas, à grande majorité afro-américaine. L’an passé, le district scolaire renomme la piste de ses débuts à son nom lors d’une émouvante cérémonie, à l’occasion de laquelle la sprinteuse glisse des conseils aux jeunes athlètes qui rêvent de suivre ses foulées. “La vie ne s’arrête pas ici, il y a tant à découvrir. J’ai été moi aussi une jeune fille noire du sud de Dallas. Je veux que vous croyez en vous, que vous sachiez que tout est possible.” Sha’Carri Richardson se définit “comme une personne noire avant d’être une athlète”. “Hors de la piste, je vis des choses comme les femmes autres, comme les autres noirs en vivent”, explique au magazine Vogue celle qui dit s’inspirer des légendes afro-américaines du sprint que sont Wilma Rudolph et Florence Griffith-Joyner.
Photos : Team USA/Olkympics/Getty Images/IAAF/Nike/DR